Avr 102014
 

« Robin des Bois » au service du « Chavez européen »

Le 6 avril se sont tenues d’importantes élections législatives en Hongrie. Souvent décrié sur la scène internationale et européenne, le premier ministre Viktor Orbàn, chef du parti conservateur Fidesz, devrait conserver la direction du pays. Depuis son arrivée au pouvoir en mai 2010, il engage la Hongrie dans une voie originale.

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Mar 272014
 

Jean-François Fiorina s’entretient avec Pascal Marchand

Le 6e Festival de Géopolitique qui se tiendra à Grenoble du 3 au 6 avril aura pour thème: Eurasie, l’avenir de l’Europe?
Après les Jeux olympiques de Sotchi, la grave crise en Ukraine et en Crimée, l’Europe et le monde ont les yeux tournés vers la Russie et la sphère eurasiatique, un univers aussi méconnu que riche.
Professeur de géographie à l’université de Lyon II, Pascal Marchand publie début avril un ouvrage consacré à la Géopolitique de la Russie – Une nouvelle puissance en Eurasie (PUF, collection Major). Il regrette que l’Europe, pour des raisons essentiellement politiques, ait un positionnement résolument hostile à la Russie et refuse l’ouverture vers l’Eurasie.

Or la France peut-elle se payer le luxe d’être absente de ces nouveaux champs géopolitiques ?…

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Nov 212013
 

L’Europe-forteresse : mythe ou réalité ?

Du drame de Lampedusa à l’ « affaire Leonarda », sans compter les dossiers récurrents des Roms et des « sans-papiers », difficile d’ignorer la question de l’immigration illégale. Si elle est loin de concerner la seule Europe, elle prend une dimension singulière sur le vieux continent. Cette problématique renvoie en effet l’Union européenne à ses contradictions.

« C’est la faute à l’Europe », affirment en chœur à la fois ses défenseurs et ses détracteurs. Elle en ferait tantôt trop, tantôt pas assez – quand elle ne faciliterait pas la libre circulation des clandestins. Situer la réalité entre ces accusations paradoxales n’est pas aisé. Au-delà des prises de positions idéologiques, quelle est l’action véritable de l’Europe vis-à-vis de l’immigration irrégulière? De quels outils dispose-t-elle? Quelles politiques met-elle en œuvre ? Autant de questions aux réponses souvent méconnues, qui mixent géopolitique, relations internationales, politiques sociales et économiques.

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Avr 112013
 

L’Europe confrontée au réveil des régionalismes

Un Belge sur trois ne croit plus en son pays. Et si la Belgique devait éclater, les Bruxellois préféreraient que leur ville devienne une région indépendante. C’est ce que révèle un récent sondage publié dans Le Soir et De Morgen.
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Fév 142013
 

Aux sources idéologiques des impasses actuelles

« L’Europe surmonte toujours les crises qu’elle affronte. » Une idée répandue dans les cénacles autorisés, qui postule que lorsque le désir d’Europe n’est plus, la raison s’y substitue. Pourtant, la crise dure. Et elle n’est plus seulement identitaire.
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L’Europe et ses murs

 Cartes, Europe, Frontières, Migrations  Commentaires fermés sur L’Europe et ses murs
Nov 242011
 

« Construire des murs pour séparer, opposer, diviser. Se protéger, se replier, se renfermer derrière sa clôture, sa nation, son empire, son idéologie. Mais toujours ces murs-là finissent par vaciller. Ils invitent à la désobéissance. À passer outre, à creuser des idées, des tunnels, à contourner, saper l’autorité. À résister. » Francis Kochert, Paroles de murs.

Cartographie et texte : Alain Nonjon Lire la suite »

Avr 082011
 

Loin des discours réservés de jadis, Berlin annonce désormais sans ambages sa volonté d’exercer son poids géopolitique réel sur la scène internationale. Première puissance économique européenne, elle s’en donne par ailleurs les moyens. Pour autant, sa réputation de moteur, voire de “modèle de l’Europe” dans la mondialisation mérite d’être questionné.

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Mar 152011
 

Gazprom, la Russie et l’Europe

Les remous qui secouent les marchés pétroliers en raison des événements politiques en cours dans plusieurs pays du monde arabo-musulman rappellent que l’approvisionnement en énergie peut être soumis à de nombreux aléas. Ce contexte marqué de surcroît par une compétition mondiale croissante pour l’accès aux énergies fossiles et par la crainte, à plus lointaine échéance, d’une raréfaction des ressources, ne fait que renforcer la position qu’occupe notre voisin russe sur l’échiquier énergétique mondial. Dès lors, il n’est pas inutile de se pencher sur l’évolution actuelle du géant gazier et pétrolier Gazprom. Ce consortium doit-il toujours être considéré comme le bras armé du Kremlin ou est-il en passe de devenir une multinationale comme les autres ? Poursuit-il des objectifs géopolitiques ou simplement commerciaux ? Enfin, au-delà, est-il possible d’envisager la naissance d’un partenariat énergétique russoeuropéen ? Une chose est sûre : les réponses à ces questions conditionnent, pour une grande part, la sécurité énergétique européenne.

Les prix du pétrole ont fortement progressés, ces dernières semaines, en raison des crises politiques affectant plusieurs pays du monde arabo-musulman. Selon le président du FMI, Dominique Strauss-Kahn,“il est possible que le pétrole monte à 110 ou 120 dollars le baril.[…] Si la crise dure deux semaines ce ne serait pas trop grave […] mais si la situation perdure au-delà de deux mois, cela affectera le rythme de la reprise pour tout le monde”.Cette instabilité du monde arabe rappelle aux consommateurs européens d’hydrocarbures que leur sécurité énergétique repose sur leur capacité à diversifier leurs sources d’approvisionnement. Elle vient aussi souligner que le consortium russe Gazprom constitue, plus que jamais, une pièce incontournable de notre dispositif énergétique : premier exploitant et producteur de gaz naturel au monde, c’est aussi, depuis 2005, l’un des acteurs majeurs du marché du pétrole.

Un géant gazier et pétrolier contrôlé par le Kremlin

Gazprom – contraction de Gazovaïa Promychlennost,(l’industrie gazière) – est, à l’origine un consortium d’État ayant remplacé, en 1989, l’ancien ministère soviétique de l’Industrie du gaz. Privatisé en 1992,Gazprom est alors transformé en société par actions, mais l’État russe en conserve 51% du capital. Dirigé par l’oligarque Victor Tchernomirdyne en lien avec le financier Boris Berezovski, Gazprom est, dans les années 1990, une structure peu fiable aux mains d’affairistes n’hésitant pas à utiliser la puissance de l’entreprise à leur seul profit.

Dès 1999,Vladimir Poutine, alors Premier ministre de Boris Eltsine, lance la contre-attaque de l’État en plaçant deux hommes de confiance au cœur du système Gazprom : Alexei Miller et Dmitri Medvedev.Tous deux ont travaillé avec lui au service de l’ancien maire de Saint-Pétersbourg,Anatoly Sobtchak, dans les années 1990. En 2001, alors que Poutine est élu président de la Fédération de Russie, la reprise en main du géant gazier se confirme : Miller est nommé directeur général de Gazprom tandis que Medvedev y représente l’État, en assurant simultanément les postes de président du conseil d’administration de Gazprom et de vice-premier ministre.

On ne saurait mieux souligner les liens étroits qui lient Gazprom au pouvoir politique. D’autant que Poutine ne cache pas vouloir faire du consortium “un instrument contribuant à rétablir l’influence économique et politique de la Russie dans le monde”.En deux ans, Gazprom devient ainsi un instrument de la puissance russe, apte à négocier avec les plus grands interlocuteurs mondiaux. Medvedev et Miller dirigent en effet une entreprise pesant 350 milliards de dollars en bourse et faisant travailler quelque 445.000 employés à travers le monde. Le groupe russe est devenu l’an dernier l’entreprise la plus profitable au monde devant Exxon et la banque chinoise ICBC.

Gazprom fournit 90 % de la production de gaz naturel russe et 23 % de la production mondiale. Ses réserves sont estimées à 17.800 km3. L’argent généré par ce consortium d’État fournit, en moyenne, 25 % des recettes de l’État et contribue à hauteur de 8 % au PIB. Depuis l’achat, en octobre 2005, de la compagnie pétrolière Sibneft,rebaptisée depuis Gazpromneft,Gazprom détient également une réserve de 170 milliards de barils, ce qui en fait le deuxième plus important acteur dans le domaine du pétrole, derrière l’Arabie saoudite.Outre ses ramifications dans le pétrole, Gazprom est également actif dans le nucléaire et l’électricité (Atomstroyexport), l’industrie (GazpromInvestHolding), la banque (Gazprombank) ou les médias (le groupe de presse Gazprom-medias)…

Gazprom, instrument géopolitique du Kremlin

Une telle puissance ne peut laisser indifférent tant en Russie qu’en Europe où le géant russe suscite sinon la crainte du moins la méfiance. De fait,selon les propres termes deVladimir Poutine,“Gazprom est un puissant levier d’influence économique et politique sur le reste du monde”. Dans son discours au peuple russe, en décembre 2005 le président russe affirmait que les hydrocarbures constituent “le seul domaine grâce auquel la Russie peut dominer la scène internationale”. Et d’ajouter : “Dans les vingt prochaines années, l’Asie et l’Europe seront de plus en plus dépendantes des pays capables de satisfaire leur demande en hydrocarbures.C’est une chance pour la Russie”. Un tel atout ne se néglige pas. Si bien queVladimir Poutine n’hésite jamais à défendre personnellement les intérêts du fleuron énergétique russe. En témoigne sa récente altercation avec le président de la Commission européenne, Manuel Baroso, au sujet de la libéralisation du marché européen de l’énergie.Cette dernière prévoit en effet une séparation entre les producteurs d’énergie et les gestionnaires des réseaux de gazoducs en Europe, une mesure nuisant aux intérêts de Gazprom, propriétaire du plus grand réseau d’acheminement au monde (150.000 km)…

De fait, il est parfois difficile de distinguer la diplomatie russe des activités économiques de Gazprom,tant la politique étrangère du Kremlin épouse le tracé des gazoducs. En effet, il est capital pour Moscou de maîtriser la fourniture d’hydrocarbures de ses clients, en Asie et en Europe – à qui elle fournit 40 % des approvisionnements en gaz et 30 % en pétrole. Pour ce faire, la Russie doit contrôler la distribution à la source, mais aussi le réseau des gazoducs et oléoducs.Elle doit donc exercer son influence en Asie centrale et dans le Caucase, fut-ce aux dépens des compagnies occidentales.

En août 2007, l’Organisation de coopération de Shanghaï (OCS),- au sein de laquelle la Russie et la Chine jouent un rôle majeur – a affirmé la prééminence de Moscou dans l’exploitation des réserves énergétiques centre-asiatiques, au détriment des candidats occidentaux (dont Total), notamment exclus des appels d’offres du Turkménistan. En contrepartie, ce pays a été invité à participer à l’OCS, confirmant le renforcement d’un pôle asiatique mené par la Russie. Depuis cinq ans, le Kremlin et Gazprom se sont donc conjointement efforcés, avec un certain succès, de verrouiller l’Asie centrale afin d’en faire le pré carré de leur stratégie énergétique.

Maîtriser l’acheminement des hydrocarbures

Pour maintenir son rang, Moscou doit aussi maîtriser le circuit de distribution des hydrocarbures. Ceci explique sa volonté de reprendre le contrôle de son étranger proche, notamment l’Ukraine et la Géorgie, ainsi que la mer Noire, principales zones de transit des ressources énergétiques d’Asie centrale.

Confrontés aux bras de fer qui opposent parfois Moscou aux anciens satellites soviétiques, les Européens ont ainsi été contraints de jouer une partition diplomatique délicate : leur intérêt consiste en effet à diversifier leurs sources d’approvisionnement en hydrocarbures,tout en maintenant de bonnes relations avec Gazprom.Car,dans une période de forte concurrence pour l’accès à l’énergie, le fait d’avoir à ses frontières le principal producteur mondial de gaz constitue un atout considérable à ne pas négliger. Y a-t-il, pour autant, un risque de chantage énergétique ? Souvent dénoncé, il est, en réalité, limité tant la Russie a, de son côté, un besoin impérieux de vendre son gaz et son pétrole. La dépendance est donc réciproque.Même au plus fort des tensions avec l’Ukraine – pièce centrale de son dispositif de distribution, puisqu’acheminant 85 % du gaz russe vers l’Union européenne -, la Russie a toujours cherché à honorer ses livraisons de gaz à ses clients européens. Enfin, la mise en place de nouvelles routes d’approvisionnement – North Stream et South Stream – va amoindrir considérablement le nombre des pays transitaires. Même en cas de graves tensions avec l’Ukraine, l’approvisionnement de l’Union ne devrait plus être affecté.

Quelques inquiétudes demeurent toutefois.Ainsi, pour contrer les velléités de diversification européennes,Gazprom s’est rapproché de la Sonatrach,son équivalent algérien, autre grand fournisseur de l’Europe. Selon Roumiana Ougartchinska, chargée de cours au Mastère d’Intelligence économique de l’Ecole internationale des sciences du traitement de l’information,“depuis 2007, Moscou fait régulièrement planer la menace de la création d’une ‘OPEP du gaz’, qui encerclerait l’Union européenne”. Certains y voient une stratégie géopolitique agressive à l’égard de l’Europe.D’autres estiment qu’il s’agit plus simplement d’une habile stratégie d’alliance commerciale dont la finalité n’est pas politique mais économique. En matière d’énergie, la frontière entre les deux domaines est toujours difficile à tracer…

Une multinationale poursuivant aussi
ses propres intérêts économiques et commerciaux

Une chose est sûre toutefois : malgré ses liens persistant avec le Kremlin, Gazprom agit aussi comme le ferait toute multinationale, avec l’objectif de s’assurer de larges parts de marché. Programmation du gazoduc Southstream pour 2015 (avec une participation d’EDF jusqu’à 20 %), découverte et exploitation d’un gisement gazier en Algérie, exploitation de gaz offshore au large d’Israël en 2011… Un simple regard l’actualité permet de constater que Gazprom poursuit aussi ses propres intérêts et dé- veloppe sa propre stratégie à l’échelle planétaire, quitte, parfois, à s’éloigner des priorités diplomatiques du Kremlin. Les managers du consortium sont aussi des hommes d’affaires qui ne veulent pas fragiliser leur entreprise en la mettant au service des seules stratégies politiques d’État. Pour Gazprom, les pays occidentaux ne sont pas des rivaux ou des adversaires. Ce sont des clients bien plus solvables que ceux présents sur le marché intérieur russe au sein duquel le gaz est vendu à prix cassé. Gazprom vient ainsi d’annoncer son souhait d’augmenter de 50 %, en 2011, le volume de gaz naturel vendu aux États-Unis.Au cours du second semestre 2010, le groupe a vendu environ 57 millions de m3 par jour aux États-Unis. Il espère porter ce volume à 85 millions cette année.

L’évolution de Gazprom reflète, du reste, une certaine inflexion de la politique russe sous l’influence de Dmitri Medvedev. Contrairement aux “siloviki” – représentant les structures de force (ministère de l’Intérieur,services spéciaux, complexe militaro-industriel…) -, qui affirmaient vouloir utiliser Gazprom comme une arme contre les adversaires de la Russie, les “civilniki” – partisans de la société civile et de la libre entreprise – veulent, pour leur part,se développer sur le plan économique en évitant les conflits ouverts, préjudiciables au commerce mais aussi au rayonnement du pays. Dès lors, l’objectif de Gazprom n’est plus tant de servir les visées centripètes de Moscou à l’égard de son étranger proche, mais, plus prosaïquement, d’être payé en temps et en heure, au meilleur tarif. Paradoxalement, l’arrivée à la présidence du pays de son ancien patron, Dmitri Medvedev, a favorisé l’émancipation de la multinationale, qui entend de plus en plus distinguer commerce et politique. La vision de Gazprom et celle des civilniki au pouvoir convergent : le libéralisme économique est nécessaire pour permettre à la Russie de s’intégrer dans l’économie globalisée.

Vers un partenariat énergétique
entre la Russie et l’Union européenne ?

Cette nouvelle donne permettra-t-elle que se noue un véritable partenariat énergétique entre la Russie et les pays européens,Gazprom et les compagnies occidentales ? Des réticences subsistent.En Europe, certains persistent à déplorer que Gazprom soit encore contrôlé par l’État. C’est oublier un peu vite que la situation russe est loin d’être exceptionnelle.L’Arabie Saoudite (Aramco), l’Iran (NIOC), le Mexique (PEMEX), leVenezuela (PDVSA), la Norvège (StatoilHydro) ou l’Algérie (Sonatrach) détiennent plus des deux tiers de l’extraction mondiale de pétrole et les quatre cinquièmes de l’extraction de gaz. Et tous ont choisi de placer le secteur énergétique sous le contrôle de l’État. Dans un contexte marqué par une raréfaction annoncée des ressources en hydrocarbures, par une croissance de la consommation mondiale et donc par une concurrence énergétique de plus en plus rude, les liens de Gazprom avec le Kremlin apparaissent un obstacle, somme toute, surmontable. Enfin, du côté russe, certains éprouvent encore une grande méfiance à l’égard des compagnies occidentales soupçonnées de vouloir faire main basse sur les richesses du sous-sol russe.Toutefois, ces visions quelque peu paranoïaques devraient s’estomper avec progressivement

D’autant que la Russie n’est pas autant en situation de force qu’elle en a l’air. En effet, pour répondre à la demande, elle devra, à brève échéance, se lancer dans de nouvelles prospections et exploiter de nouveaux gisements.À cette fin, elle a besoin de subsides et de technologies occidentales, en matière d’extraction mais aussi d’efficacité énergétique. Car, vu de Moscou, l’enjeu est également de réduire drastiquement la consommation domestique d’énergie qui ampute d’autant les exportations. En la matière aussi, les intérêts convergent.Tous les éléments semblent donc réunis pour favoriser la naissance d’un partenariat énergétique russo-européen intégrant une forte dimension de développement durable. L’avenir dira si les inévitables aléas politiques, diplomatiques et commerciaux lui permettront de voir le jour. 

  • Guerre du gaz, par Roumiana Ougartchinska, Éditions du Rocher, , 270 p.,18 € ;
  • La Lettre Sentinel, analyses & solutions n°33-34, dossier “L’Europe, la Russie et la sécurité énergétique”, (www.infosentinel.com)
Mar 082011
 

Le Multilinguisme

Depuis les élargissements de 2004, l’Union européenne compte 23 langues officielles contre 11 auparavant. Le plus souvent cette croissance exponentielle des langues parlées dans l’Union est envisagée comme une difficulté voire comme un handicap. On évoque ainsi le casse-tête de la traduction au sein des instances européennes et, de façon plus convaincante, la façon dont cette diversité entrave la fluidité du marché commun européen. Il est vrai que tout serait plus simple si tout le monde parlait anglais ou plutôt “globish”… Toutefois, comme le souligne un récent ouvrage collectif consacré au thème de la traduction dans la mondialisation, cette diversité linguistique et culturelle peut aussi constituer un atout pour les Européens. En effet, dans un monde appelé à devenir de plus en plus interconnecté et multipolaire, l’expérience européenne du multilinguisme et de la multiculturalité peut aussi constituer un sérieux atout.

Les derniers élargissements de l’Europe ont aussi pris la forme d’une relative “babélisation”. Comme le souligne Leonard Orban, ancien commissaire européen au multilinguisme, “depuis le 1er mai 2004, la superficie de l’Union a augmenté d’un quart, sa population d’un cinquième, son PIB de quelque 10 %, tandis que le nombre de langues augmentait de quelque 80 %, passant de 11 à 23”. De fait, l’accroissement de la diversité linguistique de l’Union européenne est sans doute l’une des évolutions les plus remarquables engendrées par son extension géographique. “L’Union compte désormais près de 500 millions de citoyens, 27 États membres, trois alphabets et 23 langues officielles, dont certaines ont une diffusion mondiale”.

Le multilinguisme, héritage historique incontournable

Cette multiplicité de langues peut sembler compliquée à gérer dans un espace politique commun.Mais c’est avant tout un héritage culturel impossible à refuser.Issues de l’histoire, ces langues appartenant pour la plupart à la grande famille des langues indo-européennes ont été façonnée au fil des siècles et appartiennent à notre patrimoine commun. Elles ne sont toutefois pas seulement un reliquat du passé mais l’expression d’une inestimable richesse culturelle se déclinant au présent. Enseignant à l’université Paris III – Sorbonne Nouvelle,Michaël Oustinoff estime ainsi qu’il faut se libérer “d’une vision purement techniciste des langues,ravalant celles-ci au rang de simples instruments interchangeables, alors que chaque langue constitue une vision du monde qui lui est propre”. Dès lors, la question linguistique ne peut obéir exclusivement à des considérations de rationalisation administrative. “Une lingua franca, écrit Leonard Orban, ne pourra jamais satisfaire les besoins de communication des citoyens européens.” Dès lors la voie est toute tracée : plutôt que de rêver à une hypothétique langue unique – anglais ou espéranto – mieux vaut prendre acte avec le linguiste Claude Hagège que “l’Européen devra élever ses fils et ses filles dans la variété des langues et non dans l’unité”. Telle est d’ailleurs la voie choisie par l’Union européenne. “La formule magique de notre cohésion, écrit encore Leonard Orban, n’est pas une langue commune qui priverait l’Europe de sa richesse culturelle et uniformiserait nos sociétés. C’est au contraire le multilinguisme, dont le respect permet à chaque culture de développer et de faire valoir sa différence, et à chaque nation, région ou communauté de préserver ses racines et traditions.”

Le multilinguisme comme défi collectif

Toutefois, il ne faut pas être naïf : cette position de principe – et de bon sens – n’épuise pas la question des langues en Europe. Car toute médaille a son revers et la diversité linguistique est aussi porteuse de risques.Comme en témoignent les graves tensions communautaires qui agitent un pays pourtant réputé paisible comme la Belgique,sur notre continent aussi, les différences linguistiques peuvent susciter des conflits ou être instrumentalisées à des fins politiques.
De même au plan économique et social, le multilinguisme peut entraîner des inconvénients non négligeables. Dans un rapport de 2005 sur les “Incidences du manque de compétences linguistiques des entreprises sur l’économie européenne”, les auteurs relevaient que chaque année des milliers d’entreprises perdent des contrats et voient leur activité réduite par manque de compétences linguistiques. Selon cette étude, 11% de l’échantillon des PME sondées avaient perdu un contrat faute de maîtriser une langue étrangère. Les entreprises européennes sont parfaitement conscientes de ces réalités. Elles accordent donc une importance croissante à la maîtrise des langues dans leurs critères de recrutement. Toutefois, cette tendance comporte,en retour,des risques sociaux. Au sein d’un marché à la fois commun et multilingue, les personnes maîtrisant plusieurs langues jouissent d’un fort avantage comparatif sur le marché du travail, ce qui conduit mécaniquement à marginaliser celles qui n’en maîtrisent qu’une.
Les instances européennes sont, du reste, parfaitement conscientes de cet écueil. La Commission a ainsi lancé,en septembre 2009,une plate-forme permanente d’échanges d’idées et de bonnes pratiques sur le thème des langues dans l’entreprise. En effet, face à un tel enjeu, l’amélioration de l’apprentissage initial des langues lors du cursus scolaire ne suffit pas.Pour renforcer leurs compétences linguistiques et conjurer tout risque de discrimination surle critère des aptitudes linguistiques,les entreprises doivent également s’engager, notamment via le développement de la formation continue.
De même, pour fluidifier les échanges et permettre un meilleur accès de tous aux informations administratives mais aussi culturelles, scientifiques, économiques et sociales, il est capital de développer nos capacités communes de traduction. À défaut, “l’unité dans la diversité” qui est au cœur du projet européen resterait un songe vain. Conformément à la célèbre formule d’Umberto Eco, “la langue de l’Europe, c’est la traduction”.

Le multilinguisme comme atout dans la mondialisation

Il ne faut cependant pas surévaluer les difficultés générées par la diversité linguistique, d’autant qu’en la matière la mondialisation rebat profondément les cartes.En effet,à mesure que les marchés s’internationalisent, la nécessité de surmonter des obstacles linguistiques devient le lot commun de tous les acteurs économiques. Face à un négociateur chinois, l’entrepreneur anglophone n’est pas plus avancé que son concurrent francophone ou lusophone. Déplorer le manque d’homogénéité linguistique du marché commun européen,revient donc,pour une large part,à raisonner sur le monde d’avant, celui dans lequel les succès économiques et commerciaux se bâtissaient sur les marchés régionaux. Or, comme on le sait, les réussites les plus éclatantes sont désormais le fait d’entreprises s’implantant aux antipodes.
Si, demain, les Européens se réveillaient soudainement en parlant tous la même langue, cela renforcerait-il notre faculté à commercer et échanger avec la Chine, l’Inde, le Brésil ou la Russie ? Cela renforcerait-il nos positions en Asie, en Amérique du Sud, en Afrique ou au Moyen-Orient ? Il est permis d’en douter. Il apparaît même que nos capacités s’en trouveraient gravement amoindries.D’une part, parce que notre expérience du multilinguisme nous donne un avantage sur ceux de nos concurrents ayant toujours vécu dans un univers monolingue.Car notre diversité culturelle nous a en quelque sorte aguerris et préparés à surmonter les barrières de langues. Grâce à l’intégration progressive des économies européennes, nos entreprises et nos cadres ont bénéficié d’un exercice salutaire avant de plonger dans le grand bain de la globalisation.Pour un cadre d’EADS, le management interculturel fait, depuis longtemps, partie du quotidien…
Cette expérience européenne de la diversité n’est pas anodine. Plus que d’autres dans le monde,les Européens ont appris à se mettre à la place de l’autre et à envisager la réalité avec des points de vue différents. Les Européens savent que les relations interculturelles nécessitent de la tolérance et du respect,mais aussi de la patience et de la prudence. Enfin, il faut aussi souligner l’évidence : les différentes langues parlées en Europe sont des passeports pour le monde. Sans même parler de l’anglais, faut-il rappeler que le français jouit d’une position prépondérante en Afrique, que l’espagnol est la langue dominante en Amérique latine, que le portugais est celle du Brésil ? Le rayonnement culturel de l’Europe et notre capacité commune d’influence résultent donc aussi de notre diversité culturelle et linguistique.

Du multilinguisme européen au plurilinguisme planétaire

Plus encore que l’actuel, le monde de demain sera interconnecté. En raison de l’essor de puissances émergentes n’appartenant pas au monde occidental, il sera aussi multipolaire.Dans ce contexte, il faut se garder d’une illusion encore trop répandue quant au triomphe définitif de la langue anglaise. À l’avenir, l’anglais ne sera pas nécessairement la langue de mondialisation. Du moins, il ne sera pas la seule. Ainsi, il représente déjà moins de 50 % des informations disponibles sur Internet…Qu’en conclure ? D’abord que, comme on l’a vu, le multilinguisme européen constitue un atout. Ensuite que cet atout ne sera pas suffisant à assurer notre rayonnement. Pour maintenir notre rang dans le monde de demain, il faut certes préserver la diversité linguistique européenne, mais aussi mieux se préparer à la diversité linguistique planétaire. Dès à présent, la diversité linguistique prend de nouvelles couleurs et de nouveaux accents russes, chinois, hindis, etc. C’est aussi en apprenant à maîtriser ces langues que les Européens feront la différence. En quelque sorte, il faut passer du multilinguisme européen au plurilinguisme planétaire.

  • Traduction et mondialisation, ouvrage collectif présenté par Michaël Oustinoff, CNRS Éditions, 165 p., 8 € ;
  • Rapport “ELAN : Incidences du manque de compétences linguistiques des entreprises sur l’économie européenne”, librement consultable sur le portail Internet de l’Union européenne